Vers des programmes d’activité physique adaptée… connectés ?
Des programmes classiques d’APA couteux et compliqués
Lorsqu’un patient habite à plus de 50 kilomètres de son établissement de santé, comment peut-il participer facilement à ses séances d’activité physique adaptée (APA) ? L’APA doit-elle se limiter aux seules séances en présentiel proposées par les établissements de soins ? Avec ce système classique, combien de patients restent sur la touche ?
Trajets en voiture, planning, salle disponible, constitution de groupes, présence d’un référent de santé… Les séances d’activité physique adaptée doivent faire face à de nombreuses contraintes. Autant de freins qui limitent leur déploiement, y compris dans les établissements de santé qui comptent dans leurs rangs des professionnels en charge de ces soins de support (kinésithérapeute, enseignant en activité physique adaptée,….).
Caroline Lamanthe, psychologue à clinique Claude Bernard d’Ermont (95) et chargée d’accompagner des patients en chirurgie bariatrique en a fait le constat : “La première expérience en matière d’activité physique adaptée n’avait pas été concluante. Il s’agissait d’un programme en présentiel qui ne touchait que 3 à 5 personnes par séance. Les faire revenir à la clinique, proposer un seul horaire, ce n’est pas pratique parce que les gens habitent loin ou parce que l’heure ne leur convient pas forcément”.
Résultat, aujourd’hui, dans les parcours patients en cancérologie, seulement 10% environ des patients peuvent accéder à un parcours d’APA. Ce faible recours à l’APA (observés dans d’autres parcours patients : obésité, diabète, maladies-cardio-vasculaires) s’explique principalement pour deux raisons :
- Absence de financement de cette prise en charge
- Programmes souvent proposés uniquement en présentiel
L’APA connectée : une alternative aux programmes classiques
Dans le sillage du boom de la téléconsultation ou de la montée en puissance des thérapies digitales, l’activité physique adaptée peut, elle aussi, se réinventer grâce aux objets connectés. Objectifs : favoriser l’engagement des patients et le développement de leur autonomie dans leur pratique d’activité physique quotidienne.
Créée par Kiplin, l’APACO (pour : “activité physique adaptée connectée”) propose ainsi une approche ludique et digitale de l’enseignement de l’APA : des séances d’activité physique à la demande, à distance et à base de jeux, prescrites par le médecin.
L’institut Gustave Roussy, l’AP-HP ou encore la Clinique Claude Bernard (Ramsay Santé) évaluent déjà cette solution.
Comment ça marche ?
En téléchargeant l’application Kiplin – suite à la prescription par son médecin – le patient évalue de manière autonome sa condition physique, son niveau d’activité physique, renseigne des questionnaires relatifs à sa qualité de vie et à son état de santé perçu, accède à de l’enseignement d’activité physique adaptée en visioconférence… tout en jouant à des jeux de santé avec d’autres patients.
Pour jouer, le patient doit être actif, marcher, pédaler, jardiner… tout au long de la semaine et à son rythme (en fonction de sa pathologie et de sa condition physique). Ces activités physiques, suivies par le smartphone (ou un objet connecté), permettent à l’utilisateur de générer des points qu’il utilise dans les jeux qui lui sont proposés. En étant actif, le participant avance ainsi dans des histoires à étapes : challenge, aventure, enquête, jeu de plateau…
Simplifier les parcours et inclure plus de patients
L’APA connectée mise ainsi très fortement sur les leviers de la gamification : jeux de plateau (jeu de l’oie), jeux d’énigmes et d’enquêtes (Sherlock Holmes), jeux d’aventure (ascension de l’Everest, Tour du monde)… Ces jeux sur ordonnance sont prescrits par le médecin pour accompagner les patients vers un changement durable de leurs comportements.
Pendant toute la durée du programme, le patient :
- Accède à des séances d’activité physique adaptées à distance
- Choisit le créneau qui lui convient
- Participe à domicile via le support de son choix
Autre ingrédient de la recette, le patient joue en équipe avec d’autres patients. Il a la possibilité d’interagir et d’échanger tout au long du dispositif : encouragements, soutiens, partages d’expériences…
Enfin, et grâce à l’application mobile ou à un objet connecté, des indicateurs permettent de mesurer l’efficacité du programme :
- Niveau d’activité physique pendant les jeux : entre 7000 et 10 000 pas/ jour (valeurs observées en oncologie, obésité et santé mentale)
- Evolution plus forte des changement de comportements (60% des utilisateurs augmentent significativement (≥ 30%) leur niveau d’activité physique au cours de notre intervention)
- Parcours moins coûteux permettant d’inclure plus de patients.
L’activité physique adaptée : bientôt remboursée ?
Les parcours d’APA seront-ils bientôt remboursés par la sécurité sociale ? Devant l’explosion des maladies chroniques et leurs coûts (la dépense d’un patient en ALD est de 6800 €/an contre 1800 €/an hors ALD), les établissements et professionnels de santé cherchent des solutions d’intervention et d’éducation des patients. En France, 20 millions de Français ont une maladie chroniques ou un facteur de risques cardio-vasculaire. Parmi eux 10 millions sont pris en charge à 100% par la sécurité sociale (régime ALD)
De nouveaux programmes sont donc actuellement en cours d’évaluation. A titre d’exemple, 1200 patients atteints de maladies cardio-vasculaires vont bénéficier d’une prise en charge forfaitaire par la sécurité sociale d’un programme de 5 mois de sport sur ordonnance (à partir de début 2021). L’association Azur Sport Santé, centre de ressource et d’expertise soutenu par l’ARS PACA, lance cette expérimentation nationale dans le cadre de l’article 51 de la loi de financement de la sécurité sociale qui soutient des actions innovantes en santé. Objectif : évaluer la faisabilité, l’efficacité et la reproductibilité d’un programme d’APA pris en charge par l’assurance maladie pour les patients sortant de réadaptation cardiovasculaire.
Favoriser l’autonomisation du patient
Enfin, et comme nouvel élément de réponse, l’activité physique adaptée mise sur l’empowerment du patient. Pour Marie-Georges Fayn, spécialiste de la communication en matière de santé « L’empowerment, c’est la montée en compétence des personnes, la maîtrise de leur maladie, leur capacité à collaborer avec les autres et, au-delà, une capacité à, parfois, produire des solutions, ce qui peut conduire à la transformation du système de santé voire de la société » (source : Actus Soins).
Unicancer (fédération des Centres de lutte contre le cancer) et l’Institut français de l’expérience patient (IFEP) viennent de nouer un partenariat pour renforcer la position du patient dans son parcours de soins. Pour Jean-Yves Blay, Président d’Unicancer « Le patient acteur de sa prise en charge : Unicancer agit en ce sens depuis de nombreuses années. Nos études prospectives nous ont d’ailleurs permis d’identifier les principales évolutions de la cancérologie pour mieux orienter l’offre de soins CLCC et garder une longueur d’avance dans la prise en charge des patients qui souhaitent être de plus en plus informés, connectés et actifs. » (Source : Hospitalia)
Marine BLOND (responsable des programmes santé chez Kiplin)