L’APA s’organise au centre de lutte contre le cancer Léon Bérard
Quelles sont les principales étapes de la mise en place de l’APA dans le centre d’oncologie ?
L’APA est présente au Centre Léon Bérard, depuis 2010, c’est le premier centre de lutte contre le cancer (CLCC) à avoir proposé cette approche thérapeutique pendant les traitements, en intégrant des professionnels de l’APA.
Le premier programme a été rendu possible par l’impulsion de deux médecins du centre, le Dr Béatrice Fervers et le Dr Patrick Bachmann, et avec le soutien de 2 enseignants en APA Renaud Meyrand et Cédric Baudinet, et d’une doctorante en APA, Aude-Marie Foucaut. Ce projet a été aussi lancé grâce à un soutien financier de partenaires : le comité du Rhône de la Ligue contre le cancer et l’association « Courir POUR ELLES ».
Grâce à ce dispositif, tous les patients adultes du centre peuvent bénéficier d’un accompagnement en APA durant 3 mois, pendant ou après leurs traitements.
En 2016, grâce au projet de recherche PREVAPAJA, nous avons mis en place un nouveau programme d’APA (en partenariat avec l’Institut d’hématologie et d’oncologie pédiatrique de Lyon) dédié aux adolescents et aux jeunes adultes atteints de cancer (AJAC), âgés de 15 à 25 ans.
Au-delà des bénéfices apportés pendant les traitements, l’enjeu était également de prévenir le risque d’un second cancer (la survenue d’un autre cancer associé au traitement qui n’est pas le même que celui pour lequel le patient suit son traitement initial) dans cette population très jeune. Le dispositif s’est depuis étendu et l’APA est aujourd’hui également accessible aux enfants de moins de 15 ans.
Enfin, en 2018, nous avons pu inaugurer notre salle APA : l’Espace Pyramide. Cet espace nous permet d’accueillir les patients lors de leur hospitalisation de semaine et de nous faire une place au sein du centre.
Tous les patients atteints d’un cancer peuvent-ils bénéficier de séances d’APA au centre Léon Bérard ?
Les séances sont ouvertes à tous les patients pris en charge au Centre Léon Bérard avec une prise en charge adaptée au profil et aux attentes du patient.
Depuis 2017, par exemple, un programme est mis en place pour les adultes en hôpital de jour (chimiothérapie), pour optimiser le temps d’attente avant la consultation, d’une durée de 2 heures en moyenne.
On en profite pour sensibiliser les patients aux bénéfices de l’APA, en réalisant un bilan d’activité physique voire en proposant une séance. Depuis 2019, grâce au soutien de l’association «100% sport», les aidants peuvent aussi bénéficier d’une heure d’activité physique par semaine.
Comment les patients sont-ils inclus ?
L’objectif demeure la prise en charge au cas par cas, la plus précoce possible, c’est-à-dire dès le début des traitements. Pour tous les patients, le cancérologue délivre obligatoirement un certificat d’aptitude à l’activité physique adaptée dans lequel il précise les points de vigilance et les modalités de prescription de l’APA.
Ensuite, un bilan d’évaluation de la condition physique est systématiquement réalisé avec un enseignant en APA. Il inclut des mesures anthropométriques (IMC, tour de taille, tour de hanche), des tests d’efforts sous-maximaux (dont un test de marche de 6 min), des évaluations par auto-questionnaires du niveau d’AP, du sentiment d’auto-efficacité à adopter un style de vie actif et de la qualité de vie.
En plus, en fonction du profil de patient et d’éventuelles pathologies chroniques associées, on fait intervenir notre médecin du sport, pour connaître les possibilités d’accompagnement du patient. Le programme est adapté en fonction des capacités, envies et incapacités de chacun, pour mettre chaque patient en situation de réussite et les faire bouger.
Comment se déroulent les séances
Elles peuvent être individuelles ou collectives, encadrées par des enseignants en APA et sont basées sur les recommandations de l’Institut National du Cancer (INCA) : 5 séances d’activité physique par semaine de 30 minutes à une intensité modérée à élevée (plutôt de type aérobie) avec des exercices d’aérobie associés à du renforcement musculaire.
Nous proposons deux créneaux par jour de séances collectives à destination des patients adultes et un par jour pour les enfants, adolescents et jeunes adultes. Ces séances durent entre 45 et 60 minutes.
Des séances individuelles sont aussi proposées sur notre plateau technique sportif (Espace Pyramide) et durent en moyenne 30 minutes, tous les matins et après-midi de la semaine.
Les séances peuvent aussi être réalisées en chambres stériles, du lundi au vendredi. Elles durent entre 10 et 40 minutes.
Pour ces patients, on prévoit des activités physiques ludiques adaptées (Basket, foot, tir à l’arc, escrime, danse, yoga…) mais aussi des activités plus classiques telles que du vélo d’appartement ou du renforcement musculaire avec du petit matériel (haltères, ballon, …).
A quoi ressemble votre Espace Pyramide dédié à l’APA ?
Ouvert en 2018, cet espace de 300 m2 comprend un plateau technique sportif (machines pour travailler le cardio et le renforcement musculaire). Une salle est dédiée aux cours collectifs (yoga, gym, tennis de table, foot…), une autre à l’éducation thérapeutique du patient (ETP), une pour les masseurs kinésithérapeutes, deux bureaux de consultation, deux vestiaires et des bureaux administratifs
Quels sont les objectifs de l’APA pour les patients ?
Depuis fin 2019, nous réalisons des bilans renforcés du métabolisme et de la condition physique pour certains profils de patients (en surpoids/obèse, ayant un risque important de prise de poids pendant les traitements) avec l’intervention combinée de 3 professionnels de santé : un médecin du sport, un enseignant en APA et une diététicienne.
L’objectif principal est d’accompagner les patients à adopter ou maintenir un style de vie actif, tout au long de leur parcours de soins, pour qu’ils puissent obtenir des bénéfices au niveau de leur santé et de leur qualité de vie pendant et après les traitements.
Ici, le rôle de l’enseignant en APA est essentiel. Grâce à son approche pédagogique et didactique, il doit faire en sorte que le patient adhère et reste acteur de son projet thérapeutique en APA.
Comment les patients sont-ils suivis ?
De manière générale, après l’inclusion dans les différents dispositifs en APA, où les patients ont déjà pu bénéficier d’un bilan APA initial, avec ou sans consultation médicale spécifique associée, ils sont accompagnés entre 3 et 6 mois, avec au moins 1 ou 2 séances par semaine.
Un feedback est réalisé avec les patients pendant et après la séance, en se basant sur leur perception de l’effort, pour pouvoir adapter les exercices en temps réel.
A l’issue des programmes, nous veillons à ce que les patients puissent poursuivre une activité physique en autonomie.
A l’occasion d’un bilan APA final (même contenu que le bilan initial), associé systématiquement à une consultation avec notre médecin du sport, nous leur prescrivons des recommandations personnalisées en activité physique et nous les orientons vers un lieu de pratique proche de chez eux.
Nous envoyons également un courrier au médecin traitant pour l’informer de ce que leur patient à réaliser, pour assurer une certaine continuité.
L’APA agit-elle sur la synergie entre spécialistes du Centre Léon Bérard ?
Depuis la mise en place de l’Espace Pyramide, nous bénéficions d’une plus grande visibilité au sein du centre, nos interactions avec les médecins et les équipes soignantes (cadres, IDEC, IDE, masseur kinésithérapeutes, …) ont également été renforcées.
Nous échangeons à travers le dossier informatisé du patient sur les objectifs et le contenu des séances, tout en ayant un accès aux comptes-rendus médicaux des autres professionnels de santé.
Avant chaque séance auprès des patients hospitalisés, les enseignants en APA se renseignent auprès de l’équipe médicale au sujet d’éventuelles contre-indications temporaires à l’activité physique. Les enseignants APA participent aussi à certaines réunions d’équipes, telles que la réunion de concertation et d’information pour les patients du DAJAC.
Nous sommes également en lien avec les médecins traitants pour les patients pris en charge en ambulatoire. Pour le suivi en éducation thérapeutique du patient, on utilise aussi la plateforme SARA qui favorise les échanges d’informations entre professionnels de santé libéraux et hospitaliers .
Quels sont les projets des équipes APA du centre Léon Bérard ?
Nous avons plusieurs projets pour l’année 2021 : perfectionner, ainsi que pérenniser notre programme APA de suivi à distance, développé pendant cette période de crise sanitaire et le développement de l’accompagnement de l’APA à domicile en présentiel.
Nous commencerons à l’échelle régionale avec un projet pilote et verrons dans quelle mesure nous pourrons exporter nos activités APA dans d’autres centres de cancérologie.
Enfin, dans le cadre d’un projet de recherche nommé EVAADE (Dispositif Adolescents et Jeunes Adultes atteints de Cancer) et menée auprès des enfants et adolescents hospitalisés en chambre stérile, nous allons évaluer la faisabilité d’un programme APA utilisant un vélo connecté à l’application smartphone Kiplin afin de favoriser une pratique d’AP en autonomie.
Laura Bourgault